Vu par Bird

(Reg)ART des rues : Jao est subversif !

Signalétique routière, panneaux indicateurs, affiches publicitaires ou politiques, mobilier urbain… En débusquant le détail incongru dans le décor si routinier qu’il n’est plus regardé mais seulement subi, Jao subjugue le quotidien, sublime le banal, ironise le drame, construit une nouvelle histoire par son décalage du regard. Oui, son regard devient grain de sable coloré dans la mécanique déshumanisante du quotidien, comme un grain d’humour, de folie et d’humanité qui battrait en brèche l’embêtant béton gris.

Jao évolue dans le périmètre du street art – le piratage de la ville … et du village ; la réappropriation de l’espace public ; la subversion du regard sur des lieux familiers ; l’éclosion d’une réalité parallèle, d’une poésie de l’absurde… – tout en inversant la démarche : son street art n’impose pas au regard du passant un élément nouveau. Jao ne peint pas les murs, il dépeint la ville, la vie, la vile vie. Ni bombe, ni pochoir mais un minuscule appareil photo. Jao ne dialogue pas avec le décor, il l’écoute et le fait parler, lui fait avouer ses errances. Sa démarche consiste à associer deux éléments déjà existants sans rien y ajouter d’autre que son regard critique, à les extraire du paysage pour les offrir aux « non-passants » – ses lecteurs – et les inviter ainsi à percevoir les sourires de leur quotidien ainsi que les anomalies incongrues d’une société intrusive au consumérisme insatiable, aux règles étriquées, aux cerveaux lessivés.
En piratant le décor quotidien, il le réinvente et perturbe la routine. Il détourne le message imposé par la dictature de « l’information » – informations visuelles, messages publicitaires,… – et par la dictature de la pensée. Comme une sublimation du banal, une subversion joyeuse, iconoclaste et salutaire. Car sous le masque de l’humour pointe souvent un message. Les « photolescopages » de Jao deviennent ainsi pédagogiques. Ils invitent à construire une nouvelle histoire par un décalage du regard, de la pensée, du raisonnement. Ce décalage du regard peut, en se systématisant, devenir décalage volontaire et orienté de la pensée, du raisonnement.
En réapprenant ainsi à regarder, on entre en pleine conscience. Il est alors possible de se réapproprier l’instant et le lieu, de se réapproprier sa propre existence et faire de son quotidien un immense terrain de jeu.
Oui, Jao est subversif : Il aide à vivre, à rire de tout même du pire, et à être heureux malgré tout.

Le Bird, graffeur, poète envolé.